L’Université symbolise le savoir et l’apprentissage, elle constitue
même l’organisme principal qui favorise le savoir pour le savoir. Mais
on ne peut plus de nos jours adopter des méthodes pédagogiques passives
qui ne tiennent pas compte des potentialités et des capacités des
récepteurs.
On doit à l’ère actuelle adopter un enseignement supérieur fondé, moins
sur la mémorisation des faits que sur l’apprentissage des concepts et
la stimulation des facultés d’observation, d’analyse et de
raisonnement. L’expérience et le travail pratique doivent donc y
prendre place d’une manière affirmée. Il ne suffit pas non plus
d’apprendre et comprendre les phénomènes, il faut aussi savoir les
interpréter et les placer dans une perspective globale. D’où le rôle
des écoles d’architecture comme moteur dans la réflexion sur l’art de
produire les villes et l”art de les construire.
Depuis la création de la première école d’architecture le BAHAUS, on a
toujours pensé travailler sur trois paramètres de façon indissociable :
l’esthétique (représentation, expression, formalisation et théorie de
l’art), L’éthique (l’usager et son environnement socioculturel) et la
Technique (connaissances scientifiques en relation avec les
caractéristiques physiques de l’objet).
En effet les compétences que l’on exige d’un architecte sont axées à la
fois sur l’acquisition d’une expertise pratique et d’un savoir
scientifique, et c’est en autre ce que L.M.D offre en terme de
flexibilité de sa perspective.
Dans ce contexte, Le LMD est un système qui se démarque de
l’enseignement académique classique dont l’objectif était
l’apprentissage d’un métier, se résumant à l’acquisition d’un savoir
faire, qui puisait ses outils et ses références dans tout ce qui avait
été accumulé par la tradition, et par les sciences et les découvertes.
Aujourd’hui, on a besoin de former les étudiants, non pas à la
pratique d’un métier, mais pour qu’ils soient à même d’intégrer un
processus dynamique qui prend en considération les interférences
disciplinaires, le développement des différents champs de connaissance
convoqués pour la prise en compte des dimensions techniques,
scientifiques et humaines.
Réorganisation des études d’architecture
Sur le fond ce système privilégie l’interdisciplinarité, valorise le
travail personnel de l’étudiant, rend possible la mobilité à l’échelle
nationale et mondiale, et améliore la flexibilité de la formation.
L’évaluation est normalisée au moyen du système ECTS (european crédits
transfert system)). Les crédits sont attribués aux unités
d’enseignements et sont capitalisables et transférables. 11es
représentent le volume de travail de l’étudiant. Généralement en Europe
un ECTS est équivalent à environ 20 à 25 heures de travail , dont 12 à
15 heures représentent la part de volume horaire présentiel et 8 à 13
heures la part de travail personnel. Les périodes d’enseignement sont
semestriels. A la licence correspond six semestres et 180 crédits, au
master quatre semestres et 120 crédits, enfin au doctorat six
semestres et 180 crédits.
Le candidat devra choisir, en fonction d’un profil défini, un menu parmi
ceux proposés par l’université. Ceci sous entend la mobilité de
l’étudiant, et nécessite le recyclage continu de l’individu tout au long
de sa vie professionnelle. Le LMD comprend trois séquences : la
licence, conçue comme une initiation aux différentes disciplines
concourant à la définition d’une catégorie professionnelle ; le master
destiné à focaliser sur un domaine de connaissances particulier pour
affiner un savoir faire appartenant à une catégorie professionnel ; le
doctorat réservé à la recherche et au développement du champ de
connaissance et de savoir faire. Cette dernière séquence ne concerne
qu’un pourcentage d’individus qui présenteraient les potentialités
requises pour entreprendre cette démarche complexe et fastidieuse, dans
le sens où elle exige que l’on s’y consacre exclusivement.
Le LMD a pour objectif de normaliser les équivalences des diplômes et de
permettre la flexibilité de la formation au moyen d’un enseignement à
la carte. En principe, au cours de son cursus, l’étudiant peut
changer de filières, opter pour des enseignements dispensés dans des
institutions différentes, qu’elles soient locales ou étrangères. La
pertinence de ses choix devant êtres dictée par la cohérence de son
parcours spécifique. Cette conception de l’enseignement n’est pas
compatible avec le système qui veut que l’architecte habituellement voué
au travail de bureau d’étude, reçoive une formation générale. Les
institutions d’enseignement en Algérie comme les écoles françaises,
fonctionnent sur ce modèle hérité de la tradition des beaux arts. C’est
ce qui explique une certaine résistance en France à l’application du
LMD
.
Pour une prise en compte de l’évolution du monde de travail
La nécessité d’adopter le LMD est chose acquise. Il faudrait prendre
conscience qu’il ne suffit pas d’adapter le contenu des programmes
actuels à la forme, mais qu’il s’agit d’entreprendre une reforme sur le
fond.
Le LMD est ce qui correspond le mieux à la modernité, il s’agit à la
fois de savoir faire et de savoir être .C’est une réponse adéquate aux
questionnements qui se posent à l’enseignement moderne de
l’architecture. Dans la pratique, les professionnels du cadre bâti
affrontent des situations diverses. Les différents programmes, les
multiples échelles d’intervention, de l’objet au territoire,
interpellent une interférence disciplinaire de plus en plus grande et
complexe. De la même façon que les sciences sont en perpétuelle
évolution, les problèmes qui se posent aux concepteurs sont en perpétuel
devenir.
L’enseignement sous sa forme académique et perspective n’est plus à même
de faire face à cette complexité. L’alternative que représente le
LMD, n’est envisageable qu’à la condition d’inscrire les institutions
d’enseignement au regard de la diversification du métier d’architecte,
dans une perspective qui redéfinit nos propres catégories de
l’enseignement.
L’étudiant devrait pouvoir, en principe avoir l’enseignement spécifique,
dont il a besoin, là où il est dispensé. Ailleurs que dans l’enceinte
du département si nécessaire.
Par ailleurs, plusieurs professionnels (promoteurs immobiliers, les
gestionnaires de la ville, les experts, etc) sont directement impliqués
dans l’architecture. Il conviendrait qu’ils intègrent ne serait ce que
la licence pour acquérir les connaissances de base. D’autre part,
l’exercice du métier suppose la maîtrise d’un domaine spécifique parmi
d’autres et nécessite des compétences qui dépasse le niveau du master,
si l’on considère que du fait du développement des nouvelles
technologies (modélisation, simulation), ont manifestement fait évoluer
le travail même du bureau d’étude.
Mais comment intégrer l’enseignement du projet au système LMD ?
Paradoxalement c’est sans doute à travers le projet que vont se tracer
les chemins de connexions vers les autres filières. Ce n’est pas
nouveau de dire que le projet est la spécificité de la discipline. Il
s’agit d’abord de s’entendre sur la définition. Pour ma part, je
considère le projet comme un acte de création et de production «
d’objet-espace » où l’articulation du penser et du faire nécessite une
approche interdisciplinaire qui fait appel à trois champs spécifiques
qui mettent en jeu trois paramètres de façon indissociables :
l’esthétique (représentation , expression , formalisation et théorie
de l’art), l’éthique (l’usager et son environnement socioculturel et
la technique (connaissances scientifiques en relation avec les
caractéristiques physiques de l’objet). En effet les compétences que
l’on exige d’un architecte sont axés à la fois sur l’acquisition d’une
expertise pratique et d’un savoir scientifique. La perspective
offerte par le LMD va dans le sens de la flexibilité et encourage
l’interdisciplinarité. Cependant, seul un encadrement au plus près de
l’étudiant pourra garantir la cohérence de son parcours. Il est donc
nécessaire de consacrer une part du volume à ce type d’encadrement. Il
n’est pas inutile, du reste, de prévoir des cycles de formation
destinés aux tuteurs chargés d’accompagner les apprenants.
De plus, dans l’enseignement aujourd’hui plutôt que de privilégier la
motivation et l’éveil, la tendance est également à la quantité. Il
s’agit en effet d’inverser la vapeur. L’objectif est d’alléger les
programmes au niveau individuel, tout en gardant l’éventail des matières
enseignées à l’école. Dans ce contexte, le LMD serait bienvenu, en ce
sens qu’il permet un aménagement entre matières imposées et
opérationnelles. Les choix sont dictés par les besoins d’un parcours
universitaire spécifique. Aux enseignants de s’assurer de la cohérence
de l’ensemble. La souplesse de la formation est doublée d’une
conformité aux stands internationaux qui devrait permettre
l’accessibilité aux autres institutions universitaires, qu’elles
soient nationales ou étrangères.
Les écueils de la réforme
Sans pour autant perdre de vue les objectifs pédagogiques
incontournables et en préservant la formation universitaire, évitant
l’option de formation purement professionnelle, il nous semble
nécessaire de caler l’enseignement au monde du travail et d’établir des
situations de repondant-écoute entre les deux. Une enquête sur les
parcours respectifs des jeunes architectes, nouvellement insérés dans la
vie active, nous permettrait de répertorier les nouvelles branches
d’activités et d’évaluer les besoins avenirs. C’est à partir de ce
contexte qu’il faudrait, placer la restructuration de l’enseignement. Il
serait absurde de se *******er de changer la forme, sans s’attaquer
au contenu. L’exigence de s’aligner sur le système européen à savoir
licence pose la question avec acuité pour le palier L. L’enseignement
dispensé aujourd’hui, ne permet pas à l’étudiant, au bout de trois ans,
de rentrer dans la vie active, ni de valider les compétences
nécessaires lui permettant l’accès à d’autres passerelles, locales ou
étrangères. Avec la conviction que le temps nécessaire pour
l’acquisition des compétences permettant l’accès au métier d’architecte
maître d’oeuvre, est supérieure à cinq ans.
D’un autre point de vue, la réussite de l’opération reste tributaire de
l’intégration du monde de l’emploi à la réflexion menée dans
l’université. Bien que l’équivalence des diplômes soit « garantie », il
est nécessaire de situer le projet du LMD dans le contexte économique
et social algérien. Il convient d’évaluer les besoins et aspirations
des uns et des autres afin que les formations soient calées sur la
réalité.
Dans les pays anglo-saxons, exception faite de AA School dont sont issus
des architectes comme Rem Koolhaas, on ne forme pas des architectes
au sens traditionnel du terme, mais plutôt des profils multiples et
très spécialisés dans des domaines relatifs au cadre bâti, au paysage
ou au design. Il est temps, du reste que, que la formation se dissocie
de l’exercice de la profession pour aboutir à la diversification.
D’ailleurs les tentatives de reforme depuis les années 1996
l’enseignement de la méthodologie du projet fut accentué, pour rompre
avec l’apprentissage du métier par mimétisme. Si l’on sait que le projet
devenait désormais un prétexte permettant de faire émerger un
processus de conception. L’évaluation devait porter sur la cohérence du
processus dont l’objet produit représentait la forme.
Néanmoins, nous constatons que dans nos établissements d’enseignement
aucune disposition n’avait été mise en place en vue de préparer la
conformation au LMD, et même ceux l’ayant mis en oeuvre n’ont rien prévu
pour aller dans le sens de la flexibilité et rendre possible les
réorientations vers d’autres filières similaires (urbanisme, géographie
urbaine, ingénierie...). Malheureusement, on continue d’enseigner de
façon traditionnelle. Ceci explique autant que la ténacité des méthodes
habituelles dont on a du mal à se défaire, que par le manque de
moyens dont disposent les établissements. Pendant longtemps nous
n’avons pas eu, dans nos rangs, d’enseignants du corps habilité à
diriger des recherches. Par conséquent, nous n’avons pas pu élaborer
de façon continue des structures de recherche et mener le travail
nécessaire de conceptualisation de l’enseignement. Depuis toujours,
les structures d’encadrement de projet de fin d’études, de stages,
etc, prévues dans les textes, ne fonctionnent pas toujours comme il
faut.
Alternative et mise au point
La reforme LMD pose un certain nombre de problèmes qui, envisagés avec
rigueur et dans l’intérêt des étudiants et de la qualité de
l’enseignement et de la formation des institutions peuvent être résolus
de façon simple, dans un premier temps en prenant en considération :
- Le déroulement des cursus et les différentes étapes de la formation ;
- Le contenu des enseignements et leur répartition dans le cursus ;
nombre d’heures, caractères (cours, atelier, TD, séminaires).
- Les capacités et ressources matérielles et humaines nécessaires à la
mise en place de cette reforme et notamment ses implications sur la
formation doctorale.
Le déroulement du cursus et les différentes étapes de la formation
constituent un cadre général et doit recueillir l’assentiment du plus
grand nombre d’enseignants de chaque département d’architecture si ce
n’est pas la totalité. Il doit être adapté aux conditions particulières
de chacun d’eux.
Les étudiants en architecture à l’issu d’une formation de trois années
reçoivent un diplôme conférant le grade de licence, diplôme qui
constitue une étape nécessaire et indispensable de l’étape suivante à
savoir le Master. Ainsi, la licence n’est pas un diplôme
professionnalisant et ne saurait ouvrir la porte à un sous diplôme
d’architecte ou de technicien architecte.
Les étudiants en architecture ayant suivi une formation de 5 années
reçoivent à la fin de la cinquième année et à l’issu d’un projet
personnel de fin d’études accompagné d’un mémoire, le diplôme
d’architecte d’état conférant le grade de master.
A ce stade de grandes orientations sont possibles qui ne sont pas exclusives pour les étudiants :
- la maîtrise d’oeuvre dans toute sa diversité ;
- l’enseignement, la recherche et la publication ;
- l’association de ces deux activités précédentes dans le cadre des textes réglementaires ;
- d’autres directions professionnelles liées à l’architecture et à la formation.
Pour obtenir l’agrément, une sorte de diplôme d’habilitation à la
maîtrise d’oeuvre en son nom propre, l’étudiant titulaire du master en
Sans et du diplôme d’architecte d’état, devrait suivre une formation
professionnelle délivrée par l’établissement d’enseignement
d’architecture comportant une immersion professionnelle (public, privé,
autres), à travers une pratique professionnelle dans son ensemble :
droit, gestion de bureau d’étude, gestion de chantier.
Le diplôme est délivré par l’établissement d’enseignement
d’architecture, à la suite de l’examen d’un mémoire faisant état de
l’expérience acquise, par un jury compétent composé d’enseignants et de
membres du corps professionnel. L’étudiant pourrait alors s’inscrire à
l’ordre des architectes.
Par la suite, l’in******ion en doctorat n’est pas automatique. Elle
suppose qu’un corps d’enseignants a vérifié les capacités à la recherche
de l’étudiant et l’intérêt qu’il développe pour les métiers de
l’enseignement et de la recherche.
A l’issu du master devront être crées des diplômes de spécialisation et
d’approfondissement dans différents domaines : architecture, projet
urbain, patrimoine, formes et significations, histoire architecturale et
urbaine, paysage et architecture des territoires, techniques et
constructions, etc.
Par ailleurs dans le cadre de l’école doctorale, il serait
particulièrement dynamisant que les études doctorales et les recherches
puissent être menées avec des membres professeurs présentant des
profils scientifiques diversifiés. Le doctorat à ce titre serait alors
délivré par un jury compétent de membres et professeurs habilités à
diriger des recherches dans les domaines de l’architecture , de
l’urbanisme , de l’histoire, du projet urbain, des techniques et des
sciences humaines (sociologie, anthropologie).
Il conviendrait de rappeler que si on adopte le LMD uniquement dans sa
forme 3,5, 8 sans en comprendre l’esprit, le risque est grand qu’on se
retrouve avec une « coquille vide ». En réduisant de trois années la
formation actuelle (5, 7, 11) sans en changer les objectifs et les
contenus, on aboutirait à une dévalorisation de nos diplômes. Le fait de
dissocier la formation du droit à l’exercice du métier, suppose la
mise en place dispositifs légaux, et de structures adéquates. La loi
régissant l’exercice de la profession ne reconnaît que le diplôme
d’architecte ou équivalent, or l’université ne devrait plus en délivrer.
L’ordre n’a ni la capacité, ni le discernement, ni le recul
nécessaire pour octroyer les licences d’exercice. Les établissements
d’enseignement d’architecture auront-ils les moyens et les prérogatives
pour mettre en place les structures représentatives nécessaires ?
Si on se réfère rien qu’aux conditions de déroulement des soutenances,
les jurys de soutenance de fin d’études devraient être composés
représentant de l’ordre, un représentant des instances de tutelle, un
enseignant). Ceci aurait oeuvré pour faciliter le système de
recrutement. L’un des dispositifs mis en place dans les pays
anglo-saxons pour garantir la cohérence des différents parcours est le
système de tutorat, va-t-on l’instaurer ? si oui cela impliquerait la
redéfinition du volume horaire des enseignants . Un autre écueil tient
aux pratiques habituelles du rythme de l’année universitaire. Alors
que dans les pays anglosaxons, dont on s’inspire, l’année se compose
de deux semestres de 18 semaines sans compter la cession d’été « the
summer term », nous disposons de deux périodes de 13 semaines seulement
chacune.
Conclusion
La réussite l’instauration du système LMD reste tributaire de
l’intégration du mode d’emploi et à la réflexion menée dans
l’université. Dans cette alternative, bien que l’équivalence des
diplômes soit « garantie », il est nécessaire non seulement de situer le
projet L.M.D dans le contexte économique et social du pays. Mais il
convient également de rester vigilants et de veiller à la mise en place
de tous les dispositifs nécessaires au bon déroulement des
opérations, sans quoi, on peut s’inquiéter de la réussite d’une
réforme en l’absence de moyens, légaux, financiers, humains. En outre,
il faudrait réfléchir aux débouchés possibles pour les licenciés en
architecture afin de ne pas pousser l’ensemble des étudiants à aller
jusqu’au master, fut —il professionnel.
De surcroît notre appréhension, face au système LMD, se justifie par le
fait qu’il est plus facile de changer les textes que les mentalités,
et une reforme ne vaut que par les personnes qui sont appelées à
l’appliquer